2014-2024 : 10 ans


Il y a 10 ans, je pesais 70 kg, j’avalais les aubergines grillées et les citrons verts par kilos, je ne voyais plus mes pieds, j’avais un ventre à faire pâlir Obélix avec, à l’intérieur un mini-moi qui était déjà excité comme un poulet. Il y a 10 ans, j’avais moins de rides, moins de cheveux blancs, moins de soucis aussi, mais bon sang, pour rien au monde, je voudrais vivre sans avoir connu ces 10 dernières années. Soyez prévenus, cet article va être gnangnan au possible, mais tant pis : ce n’est pas tous les jours que mon fils a 10 ans.

18 mars 2014
La première photo de moi enceinte, date du 18 mars 2014. Je dois avoir 300g de plus au compteur mais déjà l’impression d’être obèse et de ne plus réussir à porter la tête d’épingle qui pousse dans mon micro-bidon. Cette photo a été prise le jour de l’anniversaire de mon papa et de ma super amie d’enfance. Je crois que c’est celle-ci qui a circulé quand nous avons annoncé « l’heureux événement ».

10 mai 2014
Une autre photo me vient à l’esprit quand je repense à cette grossesse. Celle-ci, nous l’avons prise lors de notre voyage à Athènes, dans la chambre d’hôtel, au lendemain de la nuit ou j’ai senti mon bébé bouger pour la première fois. J’ai les joues roses et le sourire niais alors que (attention moment de vérité) je me souviens avoir vraiment DÉ-TES-TÉ cette sensation de «truc» qui bouge en moi. Je ne sais pas comment le dire autrement : ça m’a comme « dégoutée ». Ledit bébé n’a pas dû ressentir mon dégoût (ou n’en a pas fait cas), car il ne s’est pas arrêtée de gigoter pour autant. Je ne m’y suis pas faite et j’ai détesté tout du long qu’il fasse des cabrioles dans mon énorme bidon, mais sachez que je suis dotée d’une super-capacité : « l’autruchisme », qui permet d’éradiquer totalement de mon esprit ce qui m’atteint trop et que je ne suis pas en capacité d’assumer.

20 septembre 2014
Je n’ai pas de photo qui l’atteste, mais je me souviens parfaitement de cette nuit du 19 au 20 septembre, passée sur le canapé, telle une baleine échouée. Le sommeil ne me gagnait pas et les contractions étaient aussi fortes que l’excitation. 20 septembre. Date d’anniversaire de ma maman. Accoucher ce jour, c’était rêvé ! J’ai espéré réveiller mon amoureux dans la nuit pour lui dire : « ça y est : c’est parti, Popeyon débarque ! » (oui, après tête d’épingle, il devenu Popeyon, ce pauvre gosse… ). Mais non, Popeyon n’a pas débarqué. Il a pioncé toute la journée du 20 et il s’est réveillé vers 20h alors que nous nous apprêtions à manger des crêpes devant The Voice, avec Babin et Ilette. Je suis donc retournée crever sur mon canapé pendant que mon amoureux faisait les crêpes, que Babin les boulottait et qu’Ilette inscrivait soigneusement l’heure précise et l’intensité des contractions sur un petit carnet (« Elle était forte comment celle-là Totine ? Un peu, beaucoup, vraiment beaucoup ? »). À 21h30, elles l’étaient suffisamment pour que mon beau-père débarque, nous mène à l’hôpital et laisse ma belle-mère chez nous, pour finir les crêpes devant The Voice avec nos kids.

[Parenthèse]
Je ne sais pas pourquoi, mais mon beau-père avait la fâcheuse tendance de mettre le chauffage à fond dans sa voiture. À chaque fois qu’il nous menait quelque part, je ressortais du véhicule, nauséeuse au possible. Cette fois-ci n’a pas échappé à la règle : les quinze minutes de trajet m’ont paru interminables, je suis arrivée à la Croix Rousse avec des couteaux dans le ventre et une envie de gerber comme jamais. Je n’avais pas passé le sas d’entrée que j’avais déjà la tronche dans la poubelle.

21 septembre 2014
Je n’ai aucune photo souvenir des 43 200 secondes passées à l’hôpital à attendre que Popeyon daigne pointer le bout de son nez, mais je me souviens parfaitement avoir eu froid à crever, avoir ri aux éclats avec mon amoureux qui ne savait plus quoi inventer comme connerie pour tromper ma douleur, avoir trouvé le temps immensément long et avoir appuyé un million de fois sur la pompe à péridurale si bien que, quand le petit a enfin voulu sortir (dévastant tout sur son passage, je vous épargne les détails), je ne l’ai même pas senti arriver.

J’ai dans ma tête mille souvenirs des toutes premières secondes passées avec mon fils. Je n’ai plus vu d’autre personne que lui dans cette chambre d’hôpital. Le temps s’est comme suspendu. Tout s’est arrêté d’un coup, au moment où cette nouvelle vie a commencé. Je ne sais pas s’il existe une émotion plus intense. Cet amour fou qui m’est tombé dessus n’a pas eu besoin de photo pour être immortalisé.


Après, ça a été galère : pas assez de lait pour un morcif de 3,9 kilos, une ré-éducation précoce et à rallonge pour les mêmes raisons, un bidon qui ne semblait pas du tout s’être rétracté alors que ledit morcif n’y était plus (naïvement, je pensais que tout allait être évacué en même temps : pas du tout !). De ça, j’ai évité de prendre des photos.

Depuis…
Depuis le 21 septembre 2014, 90% de mes photos sont des photos de « lui ». Depuis qu’il est là, tout est disproportionné. Mon amour, mes peurs, mes joies, ses peines qui sont devenus miennes. Tout est trop. Mais tout est surtout trop bien. 10 ans qu’il remplit une vie qui me semblait pourtant déjà bien l’être. 10 ans que je le regarde grandir et évoluer. 10 ans que je n’ai pas vu passer. 10 ans que je fais des erreurs et que mes principes d’éducation réussissent à disparaitre en un battement de ses cils. 10 ans que je me fais avoir. 10 ans que je vois tout ce qui nous lie. 10 ans que je l’aime à la folie et que je lui dis. 10 ans que j’ai créé un document Word sur mon ordinateur intitulé « tête d’épingle » dans lequel que je raconte notre quotidien, quand je ne suis pas trop happée par ce dernier et que je voudrais lui offrir dans 10 ans. Espérons qu’il découvre les joies de la lecture d’ici là, sinon, il va vraiment avoir un cadeau de merde pour ses 20 ans…

Claudine

Dem facerum ipit lacil ius millict orerum aspitas conet excerspient odi quae exceperibus moles dicipiciam aut hitat !

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