« Toujours pas »
Depuis quelques semaines, j’ai l’impression d’être Amélie Poulain à force de rayer les lignes de mon petit carnet. À la différence près que ce n’est pas monsieur Bretodeau que je recherche mais un éditeur. Parfaitement, un éditeur. Un qui aura lu mon manuscrit et se dira « ouais, pourquoi pas ». Un qui m’appellera et clamera : « Banco Madame Durochat ! On y croit, on y va !»
Sauf que les maisons d’édition ne disent pas Banco. Me concernant, elles usent de formules, certes, bien moins ringardes mais pas plus agréables à lire lorsqu’il s’agit de refuser les 144 pages que je leur ai envoyées. Ces satanées 144 pages A4 écrites en Times 12, interlignage 1,5 point, comme le veut l’usage. Celles qui ont encombré mes jours et mes nuits pendant presque deux ans. Celles qui m’ont fait vibrer, m’aimer, me détester, me sentir forte et très faible à la fois.
Cet exercice d’écriture restera, après l’accouchement, l’un des épisodes les plus douloureux qu’il m’ait été donné de vivre. Sauf qu’à l’issue de l’épisio, j’avais mon Rat dans les bras.
Là, je n’ai rien d’autre qu’un énorme creux dans le bide.
LA LISTE DE MES ENVIES
Envoyer un manuscrit, c’est un peu comme jouer au loto. On écrit les adresses des maisons d’édition sur les enveloppes comme on coche les cases sur les grilles. On le fait avec une grande application, tout en se disant qu’il n’y a aucune chance pour qu’on décroche le gros lot, même avec le numéro complémentaire. On est parfaitement conscient que gagner relèverait du miracle, pourtant, on ne peut s’empêcher d’espérer lorsque l’on regarde la roue tourner, le soir à la télé.
Là, c’est pareil. J’ai beau me raisonner, dès qu’un numéro que je ne connais pas s’affiche sur mon portable, j’ai le cœur qui s’emballe et immanquablement, je me dis : Et si ?
Mais non. Jusqu’à présent, pas un numéro inconnu n’a été celui d’un éditeur connu.
J’en suis à mon sixième refus. Je devrais commencer à m’habituer. Pourtant, chaque refus est un nouveau missile que je me prends en pleine face. J’ai beau savoir qu’il va en pleuvoir, j’ai beau m’y préparer, à chaque fois, ça ne loupe pas : c’est le coup de massue, l’abattement général. Pour de vrai, c’est dur. Ça fait mal, ça oblige à se remettre en question. Ça met un sacré coup à l’égo mais surtout au moral. Bref, c’est chiant. C’est d’autant plus dur à encaisser que je sais que d’autres que moi se livrent à l’exercice et qu’ils y arrivent, sans peine ou presque. Tout un tas de gens jouent à écrire. Pour certains, ça marche. Il y en a plein qui le reçoivent ce sacro-saint appel de l’éditeur. Quelle chance ! Je rêverais être de ceux-là.
Le pire restant encore qu’il n’y a pas que des Anna Gavalda ou des Valérie Perrin dans le lot! Si encore ! Ça me ferait moins mal.
LE MYSTÈRE LÉNA SITUATIONS
Je lisais hier sur le site de France Inter, que le livre de la Youtubeuse Léna Situations « Toujours Plus », explosait littéralement les ventes avec plus de 37 000 exemplaires arrachés en moins de deux semaines. 37 000 exemplaires bon sang de bonsoir ! Pour info : ni Joël Dickers ni Emmanuel Carrère n’atteignent ces sommets!
Donc la minette de 20 ans qui trouve le moyen de faire des fautes de grammaire dans les deux lignes qu’elle poste chaque jour sur Instagram, est à même d’écrire en quelques semaines un bouquin de 152 pages et d’être publiée chez ROBERT LAFFONT. Rien que de le dire, ça me fait mal. Apprendre ça au moment où les refus pleuvent ,malgré des jours et les nuits passés à construire, écrire, reprendre mon roman … ça me rend verte de jalousie et, j’avoue, un peu (beaucoup, trop) aigrie.
(Faute avouée à demi pardonnée, non ?)
L’ironie du sort veut que nous le possédions ce petit livre à la couverture jaune et noire de Léna Situations ! Parfaitement : l’un des 37 000 exemplaires est sous MON toit! Un peu à mon insu, certes, mais quand même. Lisez plutôt. Il y a quelques semaines, Ilette me dit : « Je voudrais un livre ! Il ne sort pas avant fin septembre mais tu pourras me le prendre quand il sera disponible? » Chez nous, ce type de phrase, qui plus est dans la bouche de notre ado, ne peut être que surprenant, voire totalement ahurissant ! « Un livre, Ilette? Tu es sure ? Bon, OK. Avec plaisir! » j’ai même pensé sur le coup.
Vendredi dernier, en passant devant la librairie de la Grande rue, je vois ledit livre en vitrine. J’en ai d’abord été étonnée car la petite librairie de la Grande rue ne donne pas dans ce genre de littérature d’ordinaire. Bref, ne m’arrêtant pas à ce détail, j’entre, j’achète et je repars sans même savoir ce que j’ai pris (comme quoi, on ferait bien n’importe quoi pour que nos ados décrochent un peu de leurs écrans !).
Ce n’est qu’hier, au détour d’une conversation de 765 sms avec l’une de mes précieuses amies que j’apprends que la Léna explose complètement les compteurs avec son « guide pratique à destination des jeunes pour dire NON à la déprime, à la morosité et à la spirale du négatif ». Vu l’état dans lequel je me trouve actuellement, même si je ne suis plus dans la cible, je pense qu’il serait bon que je le lise.
FIN.
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