Quand l’envie d’écrire…
Quand l’envie d’écrire vous prend de bon matin, qu’elle s’invite au café, sous la douche, dans le métro, au boulot, qu’elle ne vous lâche pas tout au long de la journée, quoi que vous fassiez. Quand l’envie d’écrire prend au ventre, aux tripes et vous fait languir du moment où vous pourrez enfin être assise devant votre mac pour taper frénétiquement sur le clavier. Quand l’envie d’écrire prend le corps, l’esprit, la tête surtout, et que n’importe quelle excuse devient bonne pour s’y consacrer. Quand l’envie d’écrire vous met face à la page blanche, à l’ampleur de la tâche et vous fait ressentir la même émotion que sur la ligne de départ d’un semi-marathon. Quand l’envie d’écrire vous donne le sourire et qu’à elle seule, elle balaie le temps gris, le froid et l’humeur maussade. Quand l’envie d’écrire ne fait pas gagner sa vie mais lui donne un autre sens et la colore à sa façon. Quand l’envie d’écrire est aussi forte que le besoin d’une cigarette à l’apéro, aussi irrépressible qu’un désir de sieste après le repas, aussi tenace qu’une tâche de gras sur une nappe propre. Quand cette envie vous donne le tournis, alors, vous ne pouvez qu’abdiquer, céder à votre propre caprice et renoncer au reste… Quitte à, vous le savez d’avance, culpabiliser quelques heures plus tard, quand vous serez redescendue sur terre et rendu compte du temps que vous aurez « perdu »… mais tant pis, vous l’aurez eue votre drogue, votre dose, votre shoot, votre coup d’adrénaline, et finalement, le reste importera peu, si peu…
Il était une fois
Cette envie, elle me saisit souvent. Très souvent. Elle me tient depuis longtemps. Très longtemps. À 20 ans déjà, animée par l’espoir fou de réussir à écrire un bout d’histoire qui tiendrait la route, je rédigeais quelques lignes sur l’ordinateur familial, entremêlant mots doux, grands rêves, petites expériences et vives émotions. Un premier essai avorté rapidement, par manque de vécu, de maturité, de ténacité aussi, peut être. C’est à ce moment-là, sans m’en rendre compte, que j’ai planté la graine. Le temps allait faire son œuvre et laisser pousser ce qui commençait à germer. Quelques années plus tard, la mode vint au « tout écrivain ». Ainsi, tout le monde nourrissait le même rêve, en même temps: voir son nom, sa vie, son œuvre, écrits en gras sur la couverture d’un livre de poche. Qu’importe l’éditeur, qu’importe le style, qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse… Je ne voulais pas révéler un rêve qui s’inscrivait désormais dans une tendance sans fond et qui risquait de me faire entrer dans un moule que beaucoup s’auto-fabriquaient. J’ai tu mon rêve et l’ai gardé jalousement au chaud. Mais je le savais : viendrait un temps ou quelle que soit la forme qu’il prendrait, ce rêve finirait par s’exprimer.
Ledit temps est arrivé et aujourd’hui, alors qu’il y a toujours plus d’écrivains que de lecteurs, je me sens « prête ». « Prête » à pas grand chose finalement, si ce n’est céder à cette véritable envie d’écrire, réussir à livrer des bribes de moi-même et rédiger quelques textes qui feront sourire certains, laisseront d’autres profondément indifférents et passeront surtout inaperçus auprès du plus grand nombre. Mais peu importe finalement. Parce qu’écrire, c’est une aventure profondément égoïste, bien souvent narcissique. Même si on le fait avant tout pour soi, écrire, est une source de fierté infinie pour des assoiffés de reconnaissance dont finalement peu de chanceux peuvent s’abreuver.
I have a dream
Moi aussi je rêve de voir mon nom sur la couverture illustrée d’un folio. Moi aussi je rêve de voir mes livres bien rangés sur les étagères de la Fnac. Moi aussi, je rêve de contempler l’étiquette : « les coups de cœur de la Fnac » posée juste en-dessous et de découvrir le commentaire du lecteur averti qui dirait que c’est « un premier essai transformé malgré des maladresses qui contribuent aussi au charme de l’histoire ». (Raconter ça, comme ça, sans détour ni pudeur, c’est un pire que d’avouer envier le talent de Larusso.)
Ceci étant, si un jour, je parvenais à écrire quelque chose et que cela m’arrivait, je me poserais au café de la Fnac Bellecour toute la journée. Je regarderais des heures durant, ceux qui déambuleraient dans les rayons, passeraient devant mon roman sans le voir ou le prendraient pour le reposer tout aussi vite à cause du titre, de l’illustration ou du pitch qui ne leur reviendrait pas. Je m’installerais au comptoir qui surplombe le corner des romans francophones et des meilleures ventes. Je boirais des litres de chocolat chaud et j’avalerais des tas de muffins pas très bons pour calmer mes nerfs et dissimuler mon stress. Si un jour cela m’arrivait, j’espère qu’il me serait donné de capter au moins une fois, l’instant précieux où le regard du lecteur en quête d’un bon roman, s’illumine en lisant le résumé au dos du roman. Si cela m’arrivait j’espère que je saurais percevoir son intérêt, qu’il se traduise par un léger sourire ou un petit froncement de sourcil. Si cela m’arrivait je pense que je me sentirais plus importante encore que Miss France au moment où on lui pose la couronne sur la tête !
Tout le monde n’est pas Katherine Pancol
J’ai souvent été subjuguée devant l’imagination, la fluidité, le réalisme et le sens du détail de certains écrivains. De nombreux romans m’ont laissée admirative. J’aurais aimé écrire mille des livres que j’ai lus. J’aurais voulu inventer l’histoire « Les yeux jaunes des crocodiles », vivre pleinement l’écriture d’ « Ensemble, c’est tout », et par dessus tout, j’aurais adoré connaître les 4 mois d’écriture intenses d’Olivier Bourdeault qui lui ont fait accoucher de la fabuleuse l’histoire d’ « En attendant Bojangles ». Notez que j’aurais pu être plus ambitieuse et rêver de détrôner Anna Karénine ou Madame de Bovary ! Mais même pas! Ce que je voudrais là, maintenant, c’est jouer au Petit Lutin. C’est un jeu auquel nous jouons souvent avec mon amoureux. Il consiste à dire ce que nous demanderions au Petit Lutin s’il se présentait devant nous et qu’il pouvait nous accorder une chose. Aujourd’hui, donc, s’il se présentait, je lui demanderais la possibilité de prendre quelques mois pour sauter le pas et me consacrer pleinement à ce qui m’habite depuis bien longtemps. Au passage, j’en profiterais pour lui dire de faire en sorte de me laisser écrire un truc pas trop mal et « éditable » afin de pouvoir passer quelques journées à scruter les lecteurs depuis le comptoir de la Fnac.
Il est maintenant 16h30… une journée passée à écrire quelques lignes. La culpabilité arrive comme convenu. Mais que c’était bon ces heures d’écriture pour rien…
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