10 %

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Il est 7h. Le réveil sonne. La journée commence. Ce n’est pas qu’on refuse systématiquement de se lever du pied droit, mais c’est qu’à peine en avons-nous mis un à terre que les emmerdes semblent s’enchainer. L’eau de la douche qui tarde à chauffer, les gosses qui refusent de s’habiller, l’heure avancée à laquelle on finit par les jeter dans la voiture et boucler leur ceinture, les embouteillages qui commencent au pied de notre rue… et tous ces gros cons qui se croient seuls sur la route ! Ajoutez à ça, la place de stationnement qu’on se fait piquer sous le nez, les 10 minutes que l’on va passer à tourner dans le quartier. Il ne manque plus qu’il se mette à pleuvoir et ce sera le clou du pompon ! Reprenez l’histoire en l’adaptant si vous empruntez les transports en communs et vous verrez que c’est pareil… voire pire !
Bienvenue donc dans le monde des grincheux, celui des râleurs, où tout va mal tout le temps ou presque. Bienvenue dans votre monde, le mien, celui de Jean-Pierre Bacri et de 90 % des personnes qui nous entourent.

L’ENFER, C’EST LES AUTRES
90% de ronchons pour 10% d’ovnis. 10% de Blonds comme les aurait présentés Gad Elmaleh. 10 % qui gardent leur smile coûte que coûte. 10% sur lesquels les soucis glissent, comme l’eau sur les plumes d’un canard. Dans mon entourage, j’ai deux d’énergumènes de ce type : mon voisin et mon colocataire de bureau. Jamais tu ne les trouveras de mauvaise humeur, jamais tu ne les entendras vraiment se plaindre, jamais leur week-end n’aura été pourri, jamais ils ne verront le verre à moitié vide. JA-MAIS ! Mais ils prennent quoi ces gens pour être toujours tout contents ? C’est quoi leur truc secret qui nous agace autant qu’ils suscite notre admiration, voire notre jalousie ? J’ai essayé de trouver la réponse parce que sincèrement je commençais à m’auto exaspérer de râler tout le temps et que je comptais bien y remédier.

L’OBJET DE MON ÉTUDE
Pour réfléchir à la question, j’ai du désigner un objet d’étude. J’ai jeté mon dévolu sur le susnommé colocataire de bureau, appartenant à cette fameuse caste des 10% de bienheureux.
Pour en faire une présentation rapide, je dirais que c’est un homme à qui la vie sourit plutôt : il a sa boîte, une jolie femme, un chouette petit, un joli réseau, plein de potes, un bel appart en ville, un autre en montagne… Introduit comme ça, on est tenté de se dire que ce serait un comble qu’il passe encore son temps à gémir ! Pour autant, on imagine bien aussi que son gosse chougne de temps en temps et qu’il sait être relou à d’autres, que sa femme doit le gonfler pour des histoires sans importance et que les cons sur la route ne l’épargnent pas non plus. Informations subsidiaires qui a son importance : il n’a pas d’arc en ciel qui lui sort du ventre, ne vit pas en dehors de la réalité et ne ferme pas les yeux sur le monde ni ses dérives… D’où ma question : comment fait-il ?

LA BALANCE DES BONHEURS
Aux prémices de mon analyse, j’aurais pu répondre en disant que cette félicité tenait au fait qu’il louait chaque jour les mérites de notre sécurité sociale, vantait notre système d’éducation, s’émerveillait des richesses culturelles de notre pays ou de tout ce qui fait la France un territoire à part, où il fait bon vivre. Sauf que je me serais trompée de route. Et pour cause, ces arguments, on les connaît tous, que l’on fasse partie de 90 % ou des 10 % restants et plus personne n’y fait attention. Pour la majorité d’entre nous, ils ne sont peut être même plus l’ordre de l’acquis mais du « dû » et il ne nous viendrait même pas à l’idée de les remettre en question. C’est dommage mais ces avantages ne pèsent plus guère dans la balance de nos petits bonheurs. Aussi, devais-je trouver quoi y mettre d’autre…

TOBE OR NOT TO BE
De fil en aiguille, mes esquisses de réponses sont donc celles-ci. D’abord, cette bonne humeur constante c’est intrinsèque. Tu l’as ou tu ne l’as pas. Au mieux, au fil des ans, tu réussis à prendre conscience que ce serait mieux de vivre plus joyeux et donc tu fais des efforts pour aller dans ce sens et atteindre cet objectif. Premier point positif : même si on n’est pas dans le domaine de l’inné, on peut espérer atteindre celui de l’acquis en « travaillant ». C’est une bonne chose, parce que ça glace le sang de savoir que 36 % des Français auraient déjà fait un burn-out et qu’un Français sur quatre serait sous psychotropes. Maintenant, une fois que t’as dit ça, on fait comment pour changer la donne quand on n’a pas avalé un Mickey à sa naissance ?

ENJOY LITTLE THINGS
Je pense avoir trouvé un nouvel élément de réponse en parcourant quelques uns des souvenirs vécus avec « l’objet de mon étude ». Aussi, me suis-je rappelé que l’année dernière, pour noël, comme chaque année à l’agence, nous avons procédé à un tirage au sort permettant de savoir qui ferait un cadeau à qui. Et allez savoir pourquoi, comme chaque année, le fameux colocataire a pioché mon étiquette parmi les autres prénoms. (À la fois, c’est pas comme si nous étions 1 000 dans les bureaux … les chances qu’il tombe sur moi sont plutôt de l’ordre d’une sur 4 les bonnes années. Ça aide !). Bref. Depuis que nous partageons nos bureaux, il m’a offert, entre autre, une pince à « cornichons crocodile » violette que mon fils a cassé deux mois après et l’année suivante des photophores « Enjoy Little Things ». Avec eux, je crois qu’il a cherché à me faire passer un message (subliminal ?) dont je ne saisi la véritable portée qu’à présent. Car elle est là, la vraie différence entre les 10 % d’ovnis et les autres 90% de ronchons. Les premiers réussissent à entrapercevoir chaque jour de microscopiques jolis signes de la vie quand les seconds sont inéluctablement happés par les tout aussi microscopiques moins chouettes.

LA LOI DES SÉRIES
Repenser à ce qui lui est arrivée il y a environ 15 jours me conforte dans ces conclusions.
Lundi : Son ordinateur tombe en panne, le laissant pour ainsi dire, à poil et l’obligeant à passer son après dans un Mac Store blindé en espérant pouvoir obtenir 15 pauvres minutes de RDV avec un conseiller. Qu’à cela ne tienne, il est parti sourire aux lèvres parfaitement conscient qu’il allait perdre son temps et qu’il y avait peu de chance pour qu’on lui sauve ne serait ce que son disque dur.
Mardi : un gros événement qu’il organise, s’annule au dernier moment pour des raisons un peu obscures. Il boude un peu mais 10 minutes après, il remet le projet à plus tard et ailleurs, sans se démonter, toujours le sourire.
Mercredi : Alors que le vent glacial souffle dans les rues de Lyon et qu’il fait pester la majorité d’une population pleurant la fin de l’été, lui se réjouit de pouvoir bientôt remettre sa
Jeudi : Un contretemps menace sérieusement son week-end à Biarritz lui faisant perdre au passage quelques centaines d’euros. Même pas mal : si aucune solution ne se dégage, il restera à Lyon et en profitera pour faire ce qu’il n’a pas le temps de faire d’ordinaire !
Vendredi : Sa voiture ne démarre pas. Opération dépannage au « Booster » suivie d’une heure à rouler dans les rues chargées de Lyon pour recharger sa batterie sans qu’il sourcille.
Quand je serais sortie de mes gonds dès 10h30 le lundi, lui, pas une fois ne s’est montré ne serait-ce que contrarié par les événements … à chaque mésaventure, il voyait quelque chose de pas si pire au final…

SO WHAT ?
Voir que cette loi des séries avait si peu d’emprise sur son moral m’a fait dire que si nous avions tous un un colocataire comme le mien ou un profil comme celui de mon voisin dans notre entourage et que l’on cherchait à percer le secret de leur bonne humeur, on se rendrait compte qu’en fait il n’y en a pas. La bonne nouvelle c’est qu’il paraît que le bonheur est contagieux. Donc au lieu de nous fatiguer à chercher ce qui n’existe pas, ne devrions-nous pas nous rapprocher des bienheureux, pour le devenir à notre tour, transmettre joie et bonne humeur et réussir ainsi à inverser la tendance de la théorie des 90 -10 ?
Je choisis donc dès aujourd’hui de me lancer dans l’expérimentation et de vampiriser la bonne humeur de de mon coloc. Ça commence mal : son petit est malade et il a des événements toute la semaine. Du coup, il ne va pas être beaucoup au bureau, ce qui risque de sacrément mettre à mal mon objectif de contamination. Quand ça veut pas, ça veut pas.

 

 

 

 

ILLUSTRATION P. BAGIEU <3

Claudine

Dem facerum ipit lacil ius millict orerum aspitas conet excerspient odi quae exceperibus moles dicipiciam aut hitat !

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