Vieille Peau

Vieille Peau


Je savais bien que ça finirait par me tomber sur le coin de la tronche. Je le savais parce que d’autres avant moi y étaient passées et avaient cru bon de m’en avertir. Mais à cette époque, je n’y croyais pas tellement … ou plutôt, je voyais ça de tellement loin que je ne me sentais pas vraiment concernée. Puis le temps a filé. Doucement mais sûrement, j’ai senti l’étau se resserrer et l’échéance se rapprocher. Jusqu’au jour où BIM, le couperet est tombé. Et moi avec.

 

MIND THE GAP
C’était un matin des dernières vacances de février. Les garçons étaient levés. Moi aussi. Depuis un moment, même. Il n’était pas 9h que j’avais déjà sauté à la corde, étendu une machine, préparé le déjeuner, crié 3 fois contre Méo, rouspété autant contre Babin, sommé Ilette de sortir de son lit avant que la baby-sitter n’arrive. Bref, j’étais déjà à fond et épuisée ! Ce matin là, comme de nombreux autres, j’avais les cheveux en l’air, une tête sortie d’outre-tombe, le jean pas boutonné, le chemisier débraillé et les Isotoner aux pieds (oui, je sais, les Isotoner ça craint, même sur Claudia Schiffer c’est dégueulasse, mais c’est ainsi, nul n’est parfait et moi, je porte des Isotoner ! Ne digressons pas, là n’est pas le propos !). Alors, pendant que j’étais en bas et que j’usais de piteux stratagèmes pour tenter de faire entrer une tonne de linge sale dans une machine de charge maximale 5 kg, j’ai entendu Babin crier : « ça y est ! Justine est là ! ». Je suis remontée, j’ai salué ladite Justine et nous avons échangé quelques mots de courtoisie. Comme je n’étais pas tellement en avance sur mon planning prévisionnel et que j’avais encore du pain sur la planche pour rendre ma tête présentable à autrui, je me suis rendue à la salle de bains en prenant soin de laisser la porte ouverte pour poursuivre notre échange et ne pas paraître impolie. C’est là que le drame est arrivé. Alors que je blablatais tout en cherchant ma Terracotta, j’ai posé mon regard sur Justine, 17 ans, pimpante, belle et fraiche comme la rosée du matin, puis sur mon reflet dans le miroir. J’y ai vu ma ride du lion figée au front et toutes les autres que l’on nomme gentiment « d’expression », transformant au passage mon visage en véritable Petit Robert. J’ai visualisé en deux secondes ce que le temps avait fait comme ravages. J’ai calculé que, non seulement j’avais le double de son âge, mais pire encore, que j’en paraissais le triple. Vous dire que ce moment a ressemblé au choc de deux mondes est un doux euphémisme. Je me suis sentie comme princesse Fiona devant la Belle au bois dormant. Ça m’a tellement dépitée que je ne sais même pas si je suis sortie de la salle de bains coiffée et maquillée ou tout aussi terne et hirsute qu’en y entrant.

 

Ô RAGE, Ô DESESPOIR !
Moi qui, quelques semaines plus tôt, avais fait une descente phénoménale à la parapharmacie et qui m’étais torturée l’esprit pendant deux heures pour savoir ce qui valait mieux entre l’huile anti-rides bio à la rose et le soin pas du tout naturel mais follement efficace et dont toutes les filles parlaient. Moi qui avais finalement opté pour la version bio (évidemment), et qui étais quand même repartir avec l’huile, la crème de jour, de nuit, le sérum, le masque exfoliant et tout ce qu’on avait bien pu me refourguer pour définitivement conjurer le sort. Moi qui m’astreignais depuis, à me tartiner la courge de tous ces soins, alors que ce n’était jusque là, pas du tout dans mes habitudes. Moi qui trouvais que ça commençait (presque) à se voir et qui n’étais, somme toute, pas mécontente d’avoir persisté. Moi qui redoublais d’efforts pour camoufler la misère, je me suis retrouvée en deux secondes, ventre à terre, écrasée par le poids de la triste réalité.

Parce qu’elle est là la vérité. Elle est connue et elle énerve certaines, mais c’est pourtant bien vrai. Quand les hommes se bonifient avec le temps, nous, on devient moches et puis c’est tout. N’ayons pas peur de le dire. Et aux sceptiques, je demanderai de regarder la tronche de Vincent Cassel à 20 ans et de la comparer à celle d’aujourd’hui. Puis de refaire l’exercice avec Brigitte Bardot. Rassurez-vous, ça marche aussi à l’international avec George Clooney, Pamela Andersen, Bruce Willis, Meg Ryan. Des exemples, il y en a mille. On n’en est plus au stade de la supposition là, mais à celui de la certitude !

Alors évidemment, ce qui est rassurant, c’est que dans 17 ans, la belle Justine en sera certainement au même point que moi aujourd’hui. Ce qu’il l’est moins c’est que dans 17 ans, j’en serai à l’étape d’après et que je ne suis pas certaine que ça me plaise davantage…

 

Claudine

Dem facerum ipit lacil ius millict orerum aspitas conet excerspient odi quae exceperibus moles dicipiciam aut hitat !

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3 commentaires

  • Cecile HYVERNAT
    08/03/2018 at 19:27

    Toujours aussi bien écrit et tellement juste.

  • Alex
    09/03/2018 at 09:30

    Bravo Claudine !! C’est super bien écrit et tellement vrai. T’inquiète ma biche tu n’es pas seule… c’est drôle j’en parlais encore hier soir avec Lio… des bisous

    • Claudine
      Claudine
      23/03/2018 at 11:37

      Merci Alex ! ça me fait plaisir que tu me lises 🙂 des bisettes !

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