Et toi maman, tu dirais quoi?

Et toi maman, tu dirais quoi?


J’ai 34 ans passés, bientôt 35 même. Quoi qu’il advienne, ça y est : j’aurai vécu plus longtemps que toi désormais. Méo a sensiblement l’âge que j’avais quand tu nous as quittés. Lui aussi aura connu sa maman plus longtemps que je n’aurai connu la mienne. À l’automne dernier, j’ai eu peur que la vie m’arrache à lui, aussi injustement qu’elle nous a arrachés à toi. Mais je suis toujours là. Le sort est rompu.

 

Une vie sans maman

Je devine toute la peine des gens lorsqu’ils apprennent que mon frère et moi avons été privés de notre maman très jeunes. La tête penchée, le regard pâle. La tristesse et l’empathie se lisent sur les visages. Oui, nous avons passé une enfance sans maman. Je pense que cela paraît inconcevable à tous ceux qui ont toujours eu leurs deux parents auprès d’eux. Inconcevable, atroce, injuste, horrible. Mais pas pour moi. Pardon maman de le dire de manière si abrupte, mais tu ne m’as pas manqué. Ne nous y trompons pas : si tu ne m’as pas manqué c’est uniquement parce que je ne t’ai pas connue. Pour mon frère, il semble que cela ait été plus compliqué. Et pour cause, il avait 5 ans, donc plus de souvenirs. Il a été bien plus abimé aussi. Il a bien failli partir au ciel, dans le même wagon que le tien. Dieu merci, on nous l’a laissé. Il paraît qu’il était toujours dans tes jupes, toi qui ne portais que des pantalons. Quand il a compris que tu ne reviendrais plus, il a dû avoir un creux dans le bide aussi grand que la cicatrice qui le recouvre depuis. Mais on n’en parle pas. Parce que même après toutes ces années, le sujet est tabou. Il fait toujours mal et fait toujours couler les larmes. Lui et moi, même si nous ne t’avons pas beaucoup connue finalement, nous portons le fardeau de ta disparition, la peine de notre père, de notre oncle, de nos grands-parents et de tous ceux qui ont eu la chance d’être mis sur ta route. Et c’est finalement pour eux que je suis le plus triste. Parce que tu leur as laissé un énorme vide en t’en allant. Moi, je m’estime bien plus chanceuse que des millions d’autres enfants. J’ai eu un père atrocement meurtri mais absolument parfait. Une famille aimante. Une belle-mère formidable qui aura tout fait pour nous et qui fait encore, aujourd’hui. Cette belle-mère à qui petite, je demandais la permission de l’appeler maman. Cette belle-mère qui aura toujours été appelée par son prénom, car malgré son accord, je n’aurai jamais réussi à l’appeler autrement. Certainement pour ne blesser personne. Oui, maman, je me suis mille fois demandé comment la vie aurait été si tu avais été là. Parfois j’ai été en colère. Mais pour de vrai, ça n’a jamais duré longtemps. Sois rassurée maman, de là où tu es tu as dû le voir, nous avons eu une très jolie enfance et de l’amour à revendre.

 

Être à la hauteur

Si je ne t’ai jamais connue, j’ai connu en revanche ton omniprésence au sein de notre famille. J’ai connu une grand-mère qui ne tarissait pas d’éloges sur toi. Un papa qui n’en parlait pas mais dont la tristesse en disait suffisamment. J’ai entendu mille fois les mêmes histoires, parcouru mille fois les mêmes photos. Recherché en vain celles ou je te ressemblais. Parce que certains disent que je te ressemble. Tu n’imagines pas ce à quel point ça me rend fière d’entendre ça, moi qui ne te connais pas toi, que tout le monde a tant aimé.

J’ai eu mille fois vent de ta perfection. C’est difficile d’essayer d’être à la hauteur de quelqu’un qui n’est plus là, dont personne n’ose dire quoi que ce soit mal ou de juste un peu moins bien. Combien de fois ai-je posé cette question : « Elle avait quoi comme défaut maman ? ». Pourquoi personne ne m’a jamais dit qu’il t’arrivait d’être impulsive ou trop spontanée, que tu ne savais pas cuisiner ou que tu râlais en voiture ?  Pourquoi ne m’a-t-on jamais dit que tu ne fermais jamais les portes des placards ou que tu étais une tête de mule ou que tu prenais toujours toute la place dans le lit ? Pourquoi personne n’est capable de me donner un défaut dans lequel je pourrais me reconnaitre? Pourquoi lorsque l’on disparaît, on ne laisse rien de toutes ces petites choses que tout le monde remarque tant quand on est vivant ?  C’est certainement cela qui aura été le plus difficile : se construire avec, en trame de fond, l’image d’une femme apparemment parfaite. Une femme parfaite à  qui l’on essaie de ressembler mais dont on ne connait finalement que peu de choses et dont ne partage ni la passion du volley ni de l’allemand. Et toi, maman, si tu étais là, tu me dirais quoi ?

 

 

Claudine

Dem facerum ipit lacil ius millict orerum aspitas conet excerspient odi quae exceperibus moles dicipiciam aut hitat !

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Un commentaire

  • Virginie
    10/12/2017 at 23:11

    Tu es parfaitement imparfaite…. Un peu comme le gruyère, on se souvient du goût et on oublie les trous.

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