Les Oubliés du dimanche
« Justine, vingt et un ans, vit chez ses grands-parents avec son cousin Jules depuis la mort de leurs parents respectifs dans un accident. Justine est aide-soignante aux Hortensias, une maison de retraite, et aime, par-dessus tout, les personnes âgées. »
Avec un pitch pareil, ceux qui me connaissent savent qu’il était tout simplement, impossible que je passe à côté de ce roman.
Les « oubliés du dimanche » sont ces personnes âgées qui meurent à petit feu dans leur maison de retraite. Ceux que personne ne vient plus jamais voir. Ceux qui représentent un poids, une perte de temps, une cause perdue et qui ne réussissent à réunir les leurs uniquement le jour de leur décès.
Certains disent que l’on a connu plus glamour comme cadre de roman, que celui d’un mouroir perdu dans la Bourgogne profonde. Certes. N’empêche que d’après le sacro saint Google, 95% des lecteurs ont aimé ce livre. Et, naturellement, je n’ai pas dérogé à la règle.
CALL ME JUSTINE NEIGE
Justine Neige est née le 22 octobre 1992, soit précisément 10 ans et un jour après moi. Justine a perdu ses deux parents à 4 ans, dans un accident de voiture. Ce qui fait un de plus que moi, au double de mon âge à l’époque, le tout dans des circonstances similaires. Certes, Justine a une grand-mère plus rock que celle que j’ai pu avoir, une histoire de famille que je suis contente de ne pas avoir à porter et un métier que je n’aurais jamais pu assumer malgré mon profond respect pour le 3e âge. Pour autant, des ressemblances plus ou moins prononcées avec elle, j’en ai trouvées mille pendant les 416 pages de sa fiction. Comme moi, Justine adore les personnes âgées, leur sagesse et les histoires qu’elles savent raconter. Justine a elle aussi un grand père taiseux, mal à l’aise avec les sentiments. Justine se pose quelquefois des questions qui ne viendraient à l’idée de personne. Justine fait parfois un peu n’importe quoi. Justine ne voit pas toujours l’évidence. Justine écrit. Justine vit dans le passé, pas dans le présent. En somme, Justine est une « presque comme moi », des années et des gosses en moins, des casseroles et des mystères en plus.
STANDING OVATION
Premier roman de la discrète et timide Valérie Perrin, qui n’est pourtant autre que l’amoureuse de Claude Lelouch (excusez du peu), Les Oubliés du dimanche est comme un film. En mieux. Parce que chaque page donne à voir mille images et plonge dans des espaces temps différents. Les Oubliés du dimanche, ne se lit pas, il se vit. Sensible sans être mièvre, très touchant, drôle souvent, triste parfois, « tiré par les cheveux » de temps en temps aussi, le roman, sorti en 2015, a reçu le prix Choix des Libraires et en aurait mérité mille autres. Alternant le récit de la jeune Justine et celui d’Hélène, résidente de la maison de retraite des Hortensias, Les Oubliés du dimanche narre des bouts de vies et des modes de vie, que près de soixante-dix ans séparent. D’un côté, la jeunesse que l’on fuit. De l’autre, celle que l’on cherche à ne pas oublier. D’un côté, le poids des secrets de famille. De l’autre, celui des horreurs de la guerre. D’un côté, les questions. De l’autre des réponses. Au centre, un livre que, pour de vrai, on ne peut pas lâcher. L’écriture est juste, simple et sans prétention… ce qui ne la rend que meilleure. Quand la dernière page arrive et que la dernière ligne est lue, on le regrette déjà. À peine le bouquin est-il refermé que l’on se dit que mille autres pages n’auraient pas suffi à étancher notre soif. Un vrai gros coup de cœur donc. Le 3e depuis que la naissance de ce blog, après En attendant Bojangles et Du domaine des murmures.
La bonne nouvelle, c’est que Valérie Perrin a remis le couvert cette année avec Il faut changer l’eau des fleurs dont l’intrigue se passe cette fois-ci dans un cimetière (suite logique, ceci dit). Au vu des prix qu’il a reçu, et même si je peine à le croire, il est bien possible qu’il égale le succès de son prédécesseur …
Extraits Les Oubliés du dimanche
« Quand je suis repassée dans la soirée, son fauteuil et son matelas étaient vides. Elle avait fait un AVC. Tu vois, c’est ça mon quotidien. Il faut écouter dans l’urgence parce que le silence n’est jamais loin »
« Jules ne s’attache pas parce qu’il vit dans le présent. Hier, il s’en fout. Et demain ne l’intéresse pas encore »
« Avant, mémé avait la maladie du suicide. Elle semblait aller bien pendant un mois, voire plus, et tout à coup, elle avalait trois boîtes de médicaments, se mettait la tête dans le four, se jetait du premier étage ou tentait de se pendre dans le débarras. (…) Mémé nettoie toute la maison au vinaigre blanc et ce n’est pas par souci d’écologie mais parce qu’on a la trouille qu’elle finisse par avaler le liquide vaisselle ou le Décap’four »
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