(Never) Explain, (Never) Complain



25 août 2022 -12 avril 2023 : presque 8 mois sans écrire. 8 mois bon sang de bois ! C’est énorme. Je peine à croire que ce soit possible tellement cela me parait une éternité.
Les optimistes penseront que le ce silence s’explique par le manque de coups de gueule à pousser. Mauvaise réponse : entre mes 40 ans (et la bonne claque qui va avec), Noël (un classique), les enfants (un autre classique), la ligne B qui ne fonctionne JAMAIS (un nouveau classique), ou plus récemment, la fusion imposée de ma ville avec sa voisine (qui fera bientôt de moi une Pierre-Boullinette), croyez-moi des occasions de râler, j’en ai eu !
En 8 mois, il y a eu aussi eu des trucs cool sur lesquels j’aurais pu m’attarder (parce que, non, je ne suis pas QUE la version féminine de feu Jean-Pierre Bacri). Il n’y en a pas mille, mais il y en a eu… un au moins : mon premier marathon, tiens ! Grosse grosse fierté ! J’admets que j’aurais pu en écrire des tartines sur celui-ci. 42 km bouclés en 4h15min17secondes. C’est pas le temps du siècle, on est d’accord, mais pour une fois, j’ai décidé d’être clémente avec moi-même et de me féliciter. C’était peut-être un défi à la con, mais j’ai assuré et c’est une sacrée jolie case cochée avant d’affronter la quarantaine !

MAIS POURQUOI DONC… ?
Seulement voilà, les 40 (ans) et les 42 (km), c’était en octobre. Que s’est-il passé entre octobre et aujourd’hui pour que je n’écrive plus rien. Que dalle. Nada. Qu’est-il arrivé pour que je perde à ce point le goût de ce qui m’animait autant avant ?
Jusqu’à ce midi, je mettais ça sur le compte du manque de temps, du manque d’envie et du tristement célèbre manque d’inspiration. Mais, dans ce bus qui me ramenait à la maison tout à l’heure (parce que cette fichue ligne B était encore fermée), une idée d’article m’est apparu. Enfin ! Après des mois de sécheresse, d’un coup d’un seul, je l’ai eu mon sujet. Avec lui, est aussi apparu la raison de ma perte d’engouement. Voilà comment, sans ce bus, j’ai mis le doigt sur la cause de mon silence. Et cette découverte m’a laissée toute con.
Les étudiants. Si je me suis auto-enterrée ces derniers mois, c’est à cause des étudiants, ou plus précisément, à cause des cours qui m’ont mis face à des étudiants. Au lieu de me remplir d’une énergie nouvelle, ces cours m’ont complètement vidée de ma substance.
Alors, dit comme ça, évidemment, on ne voit pas trop comment cela a pu advenir. Les explications arrivent. Attention : propos de vieille bique en vue.

TOUT COMMENCE PAR LÀ…
En novembre dernier, on me propose de donner des cours dans une école supérieure. Quand cela arrive, je me dis que ça doit être ma destinée ou un truc dans le genre. Un grand-père prof puis proviseur, une maman prof elle aussi… assez logiquement, je trouve ça naturel de rentrer dans ce moule-là. Je suis la lignée, en quelque sorte. Cela me semble d’autant plus évident, qu’il y a quelques années déjà, j’ai donné des heures de cours, à Lyon 2. Tout ça pour dire, que je n’ai pas dû en garder un trop mauvais souvenir parce que j’accepte quasi sur le champ. Quelques temps plus tard, une autre école vient me trouver pour me proposer d’autres cours. J’accepte encore. Puis une 3e débarque avec la même proposition, et devinez quoi : j’accepte.
Voilà comment je me retrouve formatrice à plein temps, ou presque.
Avec cette nouvelle casquette, je découvre la joie des cours à préparer (chronophage à mort quand on est novice et qu’on essaie de ne pas raconter trop de conneries), les heures de présence (les déplacements qui vont avec, et cette fichue ligne B qui ne marche jamais !), les copies à corriger (Dieu que c’est long !)… Bref, déjà, ça, on ne va pas se mentir : ça me gonfle. Et ça commence à me grignoter de l’intérieur et à me couper les ailes de l’écriture… sans même que je m’en rende compte.

EN PISTE!
Après la préparation, le grand saut. Me voilà dans une salle, avec un tableau blanc et 30 étudiants qui me font face. Et pour le coup, ils ont beau être 30, des fois, je me sens seule, mais alors vraiment vraiment seule. Pourtant, ce n’est pas faute d’essayer de les impliquer. De penser des cours en co-construction pour les motiver, d’imaginer des ateliers pour qu’ils ne soient pas qu’en prise d’info théoriques, de placer quelques blagounettes pour leur signifier que mes cours ne sont pas QUE chiants. Mais pétard, même avec tout ça, je rame. Et surtout, je bats contre plus fort que moi. Contre plus drôle que moi. Plus divertissant aussi. Je fais face à une concurrence (déloyale) qui attire bien plus leur attention que n’importe laquelle de mes boutades : le téléphone portable.

L’ARME FATALE
Évidemment, ils en ont tous un. Et, évidemment, ils s’en servent tout le temps. En cours compris.
Il y a ceux qui l’utilisent sans vergogne, sous mes yeux. Ceux que ça ne fait pas tiquer de regarder un animé ou de participer à une conversation Whatsapp sous mon nez, alors que je m’égosille à leur transmettre ce qui me parait utile qu’ils apprennent. Et puis, il y a les sioux aussi. Ceux qui collent leur téléphone à l’écran de leur ordinateur, imaginant que je ne vois pas la combine. Il y en a même qui sortent à toute berzingue de la classe pour répondre à un appel … Allez-y, ne vous gênez pas : je ne suis là que de passage.


FORFAIT
Fort de ce constat, j’aurais pu me dire que l’année prochaine, je bannirai tout simplement les ordinateurs de mes cours et prévoirais$ une jolie boite pour que chacun puisse y déposer son précieux téléphone. J’expliquerai mon choix de revenir aux bonnes vieilles copies doubles et au stylo BIC. Je pourrai même trouver une vertu pédagogique à cela. Mais je crois que je n’assumerai pas d’être la vieille bique réac du campus. Et comme je n’assumerai pas non plus de me sentir totalement invisible et inutile, je préfère abdiquer.
C’est donc décidé : je ne donnerai plus jamais de cours. Et je leur dis, à tous comment ma vocation naissante est retombée comme un soufflé. Je leur dis qu’ils ont beau être sympathiques (ce qui est vrai), je ne pourrai pas supporter un semestre supplémentaire à les voir pianoter sur leur IPHONE, 120 fois par cours. Que 120 fois multiplié par 120 étudiants, c’est beaucoup trop pour ma petite personne. J’essaie de leur expliquer que c’est irrespectueux. De leur faire comprendre que chaque passage, même bref, sur leur téléphone, est aujourd’hui pris comme un fuck. Que ce geste anodin, instinctif même est devenu pour moi, une véritable agression.
Je leur explique que je n’ai pas choisi la formation par dépit ou par appât du gain (parce que là non, plus on va pas se mentir, c’est pas le jackpot, loin de là). Non, si je suis devant eux, c’est par envie de transmettre, de partager mon expérience, d’échanger et d’apprendre d’eux. Que cette fin là sonne donc pour moi comme un échec. C’est dommage, mais tant pis, pour moi, c’est terminé. Les cours : plus jamais.

ALLEZ SALUT !
Vous auriez vu les yeux en ronds de flan qu’ils avaient tous à la fin de ma tirade ! Il fallait l’entendre, ce silence assourdissant dans la salle ! On aurait dit que pour la première fois, quelqu’un leur disait les choses. J’en ai conclu qu’il était peut-être là notre tort. Laisser faire, laisser tiger et continuer d’avancer, sans rien dire, tête baissée, même dans l’absurdité, même quand la mission devient dénuée de sens.
Je ne sais pas si ma sortie en sauvera certains. J’ignore si cela leur permettra de prendre un peu de recul et d’intégrer le fait que, oui, parfois, comme eux, il y a des gens qui sont là par choix, par envie, non par obligation.
Ce que je sais en revanche, c’est que ma décision d’arrêter de donner des cours m’a immédiatement redonné un sujet d’article. Et l’envie d’écrire.

/

P. BAGIEU


Claudine

Dem facerum ipit lacil ius millict orerum aspitas conet excerspient odi quae exceperibus moles dicipiciam aut hitat !

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